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Une vie de chat

Publié le 10 Mai 2013 par Sallye

Une vie de chat

Je me suis assis sur le bord d'un torrent, et longtemps j'ai regardé les reflets vitreux, jouant avec les formes et les couleurs. Le soleil était pâle en haut, les lueurs étaient chaudes et je me prélassais dans le bien-être divin de l'herbe tiède. J'avais détendu mes muscles et je me sentais bien. L'espace infini autour de moi emplissait le creux de ma patte et mes griffes se déployaient gracieusement en un éventail de nacre. Le ciel était clair et loin. De vertes et odorantes volutes de feuilles tombées des arbres se traînaient lascivement sous le frottement de mon ventre alourdi. J'étais jeune et beau, les oreilles fièrement dressées au dessus d'un corps élastique soigneusement léché; j'étais la tendresse descendue sur la terre.

Descendue de l'escalier en vis, la rampe moite écaillant ma main et le pied léger frottant la cire, je la vis. Assise à la table sombre, une missive de l'évêque dans sa main droite et sa charmante tête voilée sous une étole de lin étiolé. Au dehors tout était sombre et glacé, la lumière s'était peinte d'un glacis grisâtre et le moment était proche, je le sentais, je le voyais palpiter dans la poussière soulevée par sa robe d'un autre âge. Elle était belle derrière sa dissimulation, et je savais qu'elle n'avait jamais voulu être ce qu'elle était. Une goutte de cire brûlante s'abattit sur mon doigt maladroit, et je goûtai une douleur qui peut-être en annonçait une autre.

Ribambelle de mômes assis en contrebas de la place du marché bondée, je regarde le flot de passagers bombé, je me glisse telle une ombre, et je m'assois. C'est ici que je dois la retrouver. Il fait beau et j'ai le coeur léger. Je commande un café et je regarde le temps s'écouler sur ma montre et l'eau couler dans la fontaine. Il est huit heures. Les mots de mon journal tombent les uns après les autres dans ma tasse vide. Les enfants vieillissent et se transforment un par un en vieux, marchant deux par deux ou un par un, pas à pas, de banc en banc. Il est minuit.

J'ai grandi sous la surface de la terre, je ne sais pas d'où je viens. La première fois que j'ai vu le monde, j'ai pris peur, car de grands arbres qui dépassaient ma demeure m'isolaient des gens d'en haut. Un jour, il faisait froid, et j'ai voulu voir la lumière, quitte à en mourir. Je me suis décidé. Les gens étaient sans visage, en bras de chemise, et ils ne me voyaient pas, parce que je n'existais pas. Sous mes pas, des papiers, des tonnes de papier, des chiffres, des virgules, des devises, je ne comprenais pas. J'ai pris l'ascenseur et j'ai appuyé sur le bouton le plus haut. Je suis sorti et j'ai pris l'escalier de secours qui menait au toit. Dès lors, j'ai vu la lumière, et j'ai su que je n'avais pas d'avenir.

Je l'ai rêvé et je m'en souviens c'était dans une autre vie dans un autre temps. J'ai réitéré mes gestes j'étais la même âme et la même solitude mêlée d'amour, tu étais là quelque fois tu n'étais pas là.

Je n'ai pas peur de mourir parce que je sais que l'histoire ne finit jamais.

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